l'habitant de l'infini c'est:
Manji est en rupture de ban.
Samouraï, il a violé avec éclat le code d'honneur du guerrier en assassinant son propre maître, pour se venger de la centaine d'assassinats que ce dernier lui a fait commettre sous de fallacieux prétextes.
Frère aîné, il provoque la folie de sa sœur lorsqu'il massacre son mari sous ses yeux et il est impuissant à la sauver lorsqu'elle est prise en otage par ceux là même qui veulent venger son époux.
Homme et guerrier faillible, qui porte sur son visage balafré les traces de ses combats, il n'en est pas moins immortel depuis qu'il abrite dans son corps le ver magique "kessentchou" qui guérit toutes les blessures. Vermine en apparence merveilleuse mais cadeau empoisonné pour quelqu'un qui n'entrevoit de repos que dans la mort.
Manji passe donc un marché avec la Prêtresse aux Huit Centaines, responsable de sa condition : pour expier les 100 meurtres d'innocents qu'il a commis, il s'engage à exterminer 1000 scélérats, après quoi il sera délivré de son immortalité.
Sa rencontre avec Linn, qui lui rappelle sa sœur, va peut être lui donner l'occasion de réaliser son vœu sanguinaire : la jeune fille cherche en effet à exterminer les impitoyables guerriers qui ont brutalement assassiné ses parents et dont le but est d'instaurer l'art martial ultime, sans règles et sans contraintes, l'Itto-Ryû.
Les histoires de rônins et de samouraïs sont légion dans la production culturelle japonaise et les mangas ne font pas exception. Pourtant, l'Habitant de l'Infini est résolument original.
En partant du principe "fantastique" de l'immortalité de son héros, Samura construit une histoire où les réflexions désabusées des personnages sur la vanité des règles sociales et la fragilité de l'existence côtoient des scènes de combat d'une violence et d'une beauté extrême. Les ennemis de Manji se font en effet littéralement dépecer dans une symphonie de corps déchiquetés et de gerbes de sang. Les scènes de combat sont servies par un dessin d'une énergie puissante et d'une maîtrise totale. Maîtrise que l'on retrouve tout au long de l'œuvre qui est certainement, parmi les titres disponibles en français, une des plus aboutie au niveau graphique.
Les destins des divers protagonistes se croisent ou se percutent violemment dans un univers d'une férocité absurde, où les vers dévoreurs de cadavres redonnent la vie à leurs hôtes, où les peintres parviennent à dépasser les limites de leur art en peignant avec du sang humain, où la vengeance engendre la vengeance et où chacun, victime et bourreau, est conscient de vivre dans un monde qui "pue le sang" remarquablement adapté à ceux qui aiment tuer.
Un manga splendide dont le plus gros défaut est le rythme de parution, extrêmement lent (prés de 6 ans entre le volume 1 et le 7 !). La mise en page a également suscité l'ire des lecteurs. Conformément à la politique d'édition des mangas de Casterman, les cases sont remises dans l'ordre occidental mais sans être inversées et les bulles restent dans le sens original, ce qui est parfois déroutant ! Mais les qualités de ce titre méritent que l'on passe outre ces défauts qui, somme toute, ne sont pas rédhibitoires. L'Habitant de l'Infini aurait cependant mérité meilleur traitement.